Abstract :
[fr] Notre revue de la littérature fait le point sur l'état de la recherche concernant les caractéristiques des agresseurs sexuels déficients intellectuels, en envisageant les différentes difficultés dans l'évaluation neuropsychologique de cette sous-population spécifique.
L'étude des aspects neuropsychologiques chez les agresseurs sexuels a fait l'objet de nombreuses recherches. Les agresseurs sexuels présentent des difficultés aux tâches dites « exécutives » (Ogilvie et al, 2011). Ainsi, les résultats montrent des performances moindres des agresseurs sexuels à la tâche de conceptualisation du Wisconsin Card Sorting Test que les délinquants non sexuels (Miller et al, 1998 ; Dohan et al, 2002 ; Veneziano et al, 2004) mais également à la tâche de flexibilité du Trail Making Test (Abracen, 1991 ; Stone et al, 2001), ou encore, à la tâche d'inhibition du Stroop (Joyal et al, 2007 ; Suchy et al, 2009 ; Eastvold et al, 2011). Kruger et al (2001) trouvent un déficit des performances attentionnelles, au travers du test d2, chez les agresseurs sexuels. Dans une moindre proportion des études ont été menées sur les fonctions mnésiques sur des groupes d'agresseurs sexuels, les résultats mettent en évidence des performances déficitaires des agresseurs sexuels (Dolan et al, 2002 ; Cantor et al, 2004 ; Joyal et al, 2007).
Toutefois, jusqu'à ce jour, la littérature envisage la population des agresseurs sexuels dans son ensemble, or il apparaît nécessaire que les études soient plus spécifiques, notamment en ciblant des sous-populations spécifiques (Joyal et al, 2013). Mais les études sur les aspects neuropsychologiques des délinquants sexuels déficients intellectuels sont limitées. Cependant, l'étude des caractéristiques de cette sous-population est primordiale. En effet, la prévalence de cette sous-population est importante parmi la population incarcérée et internée, variant selon les études de 10 % (Brown et al, 1968) à 40% (MacEachron, 1979). Par ailleurs, cette sous-population présente des besoins de prise en charge spécifique (Lunsky, 2011).
L'étude des caractéristiques des agresseurs sexuels déficients intellectuels se heurte, dans le champ de l'évaluation neuropsychologique, à des difficultés majeures. Tout d'abord, les délinquants déficients intellectuels forment un groupe hétérogène (Lunsky, 2011). De plus, les auteurs mettent en évidence une confusion des termes employés pour définir la déficience intellectuelle : intellectual disability, developmental disability, mental retardation, low functioning (Le Grand et al, 2003). Selon d'autres, les méthodologies employées dans les études sont très variables, notamment par le manque de spécificité des mesures d'évaluation cognitive (Joyal et al, 2013). De ce fait, elles compliquent les comparaisons de résultats (Lindsay et al, 2007 ; Fazel, et al, 2008 ; Lindsay et al, 2011).
Dans le domaine des agresseurs sexuels déficients intellectuels, Cantor et al (2005) rapportent une corrélation significative entre le QI des délinquants sexuels sur enfants et l'âge de la victime. Ces derniers délinquants présenteraient davantage de troubles neuropsychologiques que les agresseurs de victimes adultes (Joyal et al, 2013). De plus, agresseurs déficients intellectuels commettent généralement des délits plus violents (Crocker et Hodgins ; 1997). Freeman (2012) avance l'hypothèse que cela soit lié à d'importants troubles exécutifs, notamment du raisonnement et des facultés de conceptualisation.
L'ensemble de ces données milite en faveur d'une étude plus spécifique des agresseurs sexuels déficients intellectuels, en lien avec leur prise en charge.