Abstract :
[fr] L'apport de l'implant cochléaire (IC) sur l'acquisition langagière est indéniable : les enfants sourds implantés sont capables d'acquérir des compétences linguistiques élevées et une parole intelligible suivant un décours temporel proche de celui des enfants normo-entendants [1], avec pour facteurs favorables la précocité de l'implantation [2] et la binauralité [3]. Toutefois, malgré ces progrès, on note, en comparaison aux enfants normo-entendants, des difficultés persistantes touchant les aspects langagiers liés à la morphosyntaxe [4,5] et aux phénomènes suprasegmentaux (comme la prosodie [6,7] ou le débit de parole [8]). Les niveaux phonético-phonologiques semblent également présenter des spécificités chez les enfants porteurs d'IC [9]. Le niveau lexical semble quant à lui plus ou moins préservé selon les études [10,11]. Il paraît sensé de supposer que la persistance d'écarts par rapport à la norme est due au fait que les enfants porteurs d'implant(s) cochléaire(s) développent des compétences linguistiques en perception et en production sous l'effet de capacités sensorielles limitées, la bande passante étant réduite et exploitée au travers d'un nombre de canaux de transmission très limité.
Dans cette communication, seront dans un premier temps présentés les résultats d'une étude exploratoire basée sur l'analyse perceptive d'échantillons de langage spontané de jeunes enfants porteurs d'implant(s) cochléaire(s). Les caractéristiques langagières relevées dans l'étude seront mises en lien avec les difficultés linguistiques pointées chez ces enfants au sein de la littérature et des hypothèses explicatives seront discutées.
Notamment, la production segmentale de ces enfants semble présenter des profils d'hypo- ou d'hyper-nasalité, suggérant que le trait phonétique distinctif portant sur la nasalité pourrait être mal ou non perçu par les enfants implantés. Une prosodie irrégulière et semblant s'organiser autour des syntagmes lexicaux et nominaux est également notée. Nous émettons l'hypothèse que ce fonctionnement suprasegmental particulier, davantage axé sur une mise en saillance des éléments lexicaux, et les possibles difficultés de perception de traits telle que la nasalité, pourraient donner lieu à un développement morphosyntaxique atypique. En effet, les morphèmes grammaticaux de la langue française sont peu saillants et peu accentués au niveau prosodique tandis que le trait de nasalité permet de coder certaines distinctions de morphèmes grammaticaux, notamment certaines flexions verbales en nombre (il mangera-ils mangeront) ou certaines flexions nominales en genre (paysan-paysanne).
Dans un second temps, sera décrit un projet de recherche, mené en collaboration entre le centre « Comprendre et Parler », l'ULB et le laboratoire de phonétique de l'UMONS, visant à tester les hypothèses avancées ci-dessus au sein d'une étude perceptive et acoustique longitudinale. Lors de la présentation, des résultats préliminaires concernant, d'une part, la perception catégorielle et la production du voisement, et, d'autre part, la discrimination et la production de voyelles orales/nasales chez des enfants normo-entendants et implantés seront présentés et discutés.