Evaluation des atteintes des voies biochimiques mitochondriales par approche métabonomique.

La mitochondrie occupe une place prépondérante dans la viabilité cellulaire et, pourtant, la revue de la littérature révèle que, pendant de nombreuses années, elle a rarement été prise en compte lors de l'étude de pathologies ou même lors de l'évaluation de xénobiotiques. Depuis peu seulement, elle gagne de l'intérêt et, pour cause, elle est l'un des organites clé de la cellule puisqu'elle régit, à elle seule, des dizaines de voies biochimiques interconnectées les unes aux autres. Elle mérite donc toute notre attention et pourrait nous permettre de mieux interpréter, voire de mieux prédire, les réactions cellulaires face aux pathologies ou à l'administration de xénobiotiques potentiellement toxiques.

L'optique de notre laboratoire est ainsi d'étudier l'impact de molécules exogènes sur la fonction mitochondriale et ce, par approche métabonomique.

La métabonomique, science omique complémentaire entre autres à la protéomique et à la génomique, est une approche très prometteuse dans les domaines pharmaceutiques et médicaux. Elle trouve sa place en recherche préclinique et clinique, en pharmacologie, en toxicologie et même pour le suivi et la caractérisation d'une pathologie. Cette technologie présente également l'avantage d'être peu invasive, de traiter un grand nombre d'échantillons en peu de temps avec une préparation très simple. Elle peut analyser tout type de biofluides périphériques (ou même de tissus). L'approche métabonomique se base principalement sur le concept de la « signature métabolique » qui est représentative des voies biochimiques cellulaires perturbées lors d'une pathologie ou d'une toxicité particulière.

La métabonomique, ici appliquée à l'étude de la toxicité mitochondriale, s'inscrit dans un projet de mise au point d'un protocole de screening pour l'évaluation du risque de substances pharmaceutiques. En effet, malgré le rôle essentiel des mitochondries, par exemple, dans l'hépatotoxicité des médicaments, l'atteinte mitochondriale est rarement étudiée pendant la phase préclinique du développement de nouvelles molécules thérapeutiques.

Dans ce travail, l'effet toxique prototypique de la roténone a été évalué sur un modèle in vitro d'une lignée d'hépatocarcinome humain, HepaRG. La roténone est un pesticide, inhibiteur caractéristique du complexe I de la chaîne respiratoire qui empêche ainsi la réoxydation des cofacteurs (comme le NADH) et altère par la même occasion le gradient électrochimique, nécessaire à la formation d'ATP.

Les effets du déficit en ATP et en NAD+ affectent énormément les voies cataboliques et anaboliques des cellules. Les spectres, obtenus par résonance magnétique nucléaire du proton (1H-RMN), attestent clairement d'une altération du métabolisme énergétique global. On notera, parmi les effets les plus évidents, l'augmentation du taux d'ADP, un affaiblissement des réactions dépendantes du NAD+ et de l'ATP avec atteinte consécutive des métabolites concernés, à savoir une production accrue de lactate et une diminution du stock de glutathion.
Les résultats démontrent que, même s'il reste encore des zones d'ombre, une signature métabolique des atteintes mitochondriales hépatiques peut être extrapolée et appliquée à l'évaluation de substances exogènes et même de pathologies ciblant la mitochondrie.