Abstract :
[fr] L’Andorre est un micro-État de 468 km2 situé dans les vallées pyrénéennes entre la France et l’Espagne et avec une population de 81 588 habitants (Departament d’Estadística 2022a). Officiellement monolingue, l’Andorre est le seul État au monde déclarant le catalan comme langue officielle, et cela en vertu des dispositions de l’article 2.1 de la Constitution et de l’article 1er de la Loi réglementant l’usage de la langue officielle. La société andorrane est néanmoins loin d’être monolingue. Son plurilinguisme s’explique par la présence accrue de personnes d’origine étrangère dans un micro-territoire (Jiménez-Salcedo et Hélot, 2020) qui a multiplié sa population par douze durant le XXe siècle (Ballarin 2009: 125) dans un contexte de développement économique qui a attiré énormément de migrants (Bastida et Nicolau 2012: 101), d’abord de la Catalogne et ensuite du reste de la péninsule Ibérique, y compris du Portugal. De nos jours, les nouvelles migrations arrivent d’Amérique latine, mais l’Andorre ne connaît plus les vagues massives des années 1990 (Margarit 2012: 47).
À l'échelle européenne, ce pays est un cas particulier en matière de distribution de la population, et ce en raison de l'immigration (Tedó 2008: 18). En effet, les nationaux andorrans représentent actuellement moins de 50 % de la population (concrètement 47,6 %) et étaient même davantage minoritaires par le passé, les autres groupes nationaux étant les Espagnols (24,7 %), les Portugais (10, %) et les Français (4,5 %) (Departament d’Estadística, 2022b). Dans ce contexte multilingue, où le catalan est la langue maternelle de seulement 44,1 % de la population face à 40,3 % pour l’espagnol, devenu langue de communication par défaut entre groupes ethnoculturelles, se pose la question de savoir quelles politiques linguistiques doivent être mises en place pour que le catalan devienne la langue d’intégration des personnes d’origine migrante et, par conséquent, la langue publique de communication sociale.
Dans cette communication je présenterai les résultats d’une enquête de terrain menée en Principauté d’Andorre auprès de 23 informateur·ices considéré·e·s comme des gestionnaires des politiques linguistiques, dans le sens que Neustupný (1970) et Neustupný et Nekvapil (2003) accordent aux managers dans la Language Management Theory. En d’autres termes, des personnes avec des intérêts différents – complémentaires ou contradictoires – qui interviennent sur les langues à l’intérieur et à l’extérieur des groupes linguistiques et peuvent exercer différentes stratégies de pouvoir (Jernudd 1996, Neustupný 1996). Sur la base d’une analyse thématique inductive (Blais et Martineau 2006, Paillé et Mucchielli 2012) des entretiens effectués auprès des participant·e·s à l’enquête, j’ai dressé un portrait de leurs représentations autour de deux aspects de l’aménagement linguistique, dans le sens de Cooper (1989 : 45), qui concernent les personnes migrantes : l’assignation d’espaces fonctionnels à la langue (ou planification du statut selon la terminologie de Kloss, 1969) et l’aménagement de l’acquisition de la langue, plus concrètement chez les adultes.
Parmi les résultats de l’enquête, il faut souligner les doutes exprimés par les participant·e·s autour de la déclaration constitutionnelle du catalan en tant que langue officielle du pays et de son rôle en tant que langue de communication auprès de l’Administration. À ce sujet, les informateur·ices relèvent des usages de plus en plus bilingues catalan/espagnol dans les contextes administratifs et juridiques formels. Ils soulèvent la problématique du manque de structures d’accueil pour les Primo-arrivants et pour les résidents d’origine étrangère, qui ne perçoivent pas l’importance du catalan en tant que langue de communication publique et voient l’espagnol comme une langue socialement plus productive. In fine, ces représentations posent la question de la place des langues minorisées dans des contextes d’extrême diversité ethnoculturelle et des politiques linguistiques à entreprendre.