[fr] La réalisation phonétique des voyelles nasales du français implique à la fois une nasalisation (plus de compacité) et une postériorisation (plus de gravité) par rapport aux orales correspondantes (Delvaux et al. 2002). La présence en production de la dimension de gravité permet d'expliquer qu'en perception les auditeurs parviennent à distinguer une voyelle phonologique nasale (compacte et grave) d'une voyelle phonologique orale qui est nasalisée sous l'influence du contexte (simplement compacte). Mais comment les auditeurs francophones traitent-ils perceptuellement les deux dimensions acoustiques (compacité ; gravité) impliquées dans le contraste phonologique de nasalité ? Combinent-ils l'information en provenant de deux sources indépendantes ou bien ces deux sources sont-elles automatiquement intégrées perceptuellement ? Certains travaux précédents (expériences de discrimination) plaident en faveur de la seconde hypothèse (Delvaux et al. 2004). Néanmoins, ces expériences n'ont permis d'investiguer que certaines parties de l'espace acoustique, car la tâche de discrimination exige de tester chaque paire de stimuli séparément, et le nombre de paires à tester est considérable (300 pour un espace de 25 stimuli). L'objectif de l'expérience de catégorisation libre présentée ici est d'aboutir à une vision globale de l'espace perceptuel des auditeurs correspondant au contraste phonologique oral/nasal en français. 18 sujets (6 par timbre : ?-??, ?-??, ?-??) ont participé à l'expérience, qui consistait à regrouper les stimuli qui « se ressemblaient/allaient ensemble ». Sur base des regroupements effectués par les sujets, un espace perceptuel commun a été reconstruit par une procédure de positionnement multidimensionnel (PROXSCAL), tenant compte des propriétés acoustiques des voyelles dans l'espace des stimuli. Les résultats montrent une distorsion de l'espace perceptuel dans le sens d'une intégration de la gravité et de la compacité, distorsion qui s'opère selon des modalités spécifiques en fonction du continuum étudié. Ils confirment nos résulats précédents, (voir par exemple, Delvaux et al., 2006 pour les résultats obtenus à partir d'un paradigme de catégorisation dirigée) alors qu' ici une liberté maximale était accordée aux auditeurs dans leurs réponses.