Abstract :
[fr] En Fédération Wallonie-Bruxelles, la formation initiale à l’enseignement traverse un double contexte problématique de baisse importante des inscriptions (Le Soir, 2024) et d’un taux de diplomation plus faible (Dupriez & Mahiat, 2023), alors même qu’elle fait l’objet d’une réforme d’envergure (CFWB, 2019). Dès lors, il est essentiel d’encourager les initiatives contribuant à préserver l’attractivité d’un métier en manque de main-d’œuvre.
Une piste intéressante serait de considérer le bien-être comme un objet d’enseignement et d’apprentissage faisant partie intégrante de la formation des enseignants. En effet, le fait d’éprouver un niveau important de bien-être professionnel lors des stages et, plus largement, lors de la phase d’insertion professionnelle a été identifié comme l’un des facteurs impactant la rétention dans le métier (Goyette, 2020 ; Lothaire et al., 2012). Il n’est donc pas vain de chercher à le développer. Or, même si la littérature concernant le bien-être des enseignants connait une croissance importante (Fox et al., 2023 ; Hascher & Waber, 2023), il subsiste un flou important sur la notion même de bien-être en enseignement.
Pour illustrer cela, Chen et al. (2024) rappellent plusieurs constats : certaines études définissent le bien-être par l’absence de mal-être ; le bien-être des enseignants est tantôt évalué avec des conceptions généralistes, tantôt avec des conceptions appliquées au métier, mais fragmentaires ; la distinction entre les composantes, les facteurs et les conséquences du bien-être des enseignants fait l’objet d’imprécisions ; enfin, certaines études mobilisent des modèles et échelles de mesure qui ne conviennent pas au contexte, car ils ont surtout été conçus pour les soins de santé.
Dès lors, l’objectif de cette communication est d’apporter une clarification conceptuelle du bien-être des enseignants en distinguant clairement ses domaines et ses composantes (la manière de le définir), ses facteurs (la manière de l’influencer) et les échelles psychométriques y afférant (la manière de le mesurer). In fine, cette clarification servira de base à une réflexion sur le bien-être en tant qu’objet d’apprentissage.
Pour ce faire, une revue de la littérature scientifique a été menée en octobre 2024. Au départ des principales bases de données francophones et anglophones en psychologie et sciences de l’éducation (PsychInfo, Erudit, Cairn, Eric, Scopus, Wiley online Librairy et Springer EJournals), une recherche systématique a été effectuée concernant les articles publiés entre 2004 et 2024, sur l’addition des deux concepts suivants : « Bien-être / Well-Being » + « Enseignant / Teacher ». Les équations de recherche incluaient des concepts synonymes et des variations orthographiques. Pour chaque équation de recherche, un troisième terme a été ajouté pour répondre à chaque partie de l’objectif, c’est-à-dire « Définition / Conceptualization » ; « Facteur / Factor » ; « Échelle / Scale ». Il en résulte 579 références bibliographiques qui, après analyse, se réduisent à 51 articles évalués. 24 articles ont été rejetés selon des critères préétablis (qualité méthodologique, définition exclusivement négative du bien-être, contexte d’enseignement trop spécifique, etc.) et 5 articles ont été ajoutés par ailleurs. Au total, 32 articles, tous en langue anglaise ont été traités. Différentes informations ont été codées dans un document Excel (nombre et fonction des sujets impliqués, méthodologie, etc.) et des synthèses des contenus théoriques et empiriques ont été réalisées. Plus précisément, une analyse thématique inductive a été menée pour réduire l’ensemble des concepts à des dimensions clés du bien-être enseignant. Parallèlement, certaines données, comme le recensement des échelles psychométriques employées dans les articles, ont été recueillies et traitées.
Les principaux résultats permettent de proposer un premier modèle théorique rassemblant, tant pour les définitions, les facteurs et les mesures, les grandes dimensions du bien-être des enseignants : une dimension psychologique et subjective ; une dimension relationnelle ; une dimension organisationnelle et une dimension qui intègre les processus dynamiques d’équilibres entre les exigences et les ressources professionnelles. Au niveau des définitions, les résultats montrent qu’aucune des conceptualisations recueillies au moyen de la recension systématique ne recouvre l’ensemble de ces dimensions. Au niveau des facteurs, une typologie a été établie sur base des dimensions du modèle. L’analyse de ceux-ci montre que la littérature les investigue de manière assez inégale, se focalisant surtout sur les dimensions psychologiques et organisationnelles. Enfin, au niveau des mesures, 8 échelles ont été identifiées. À l’instar des définitions, les domaines mesurés ne se recouvrent que partiellement. De plus 5 des 8 échelles concernent davantage la mesure de la satisfaction vis-à-vis de facteurs que l’état de bien-être lui-même, qui fait donc dans ce cas l’objet d’une inférence.
Ces considérations permettent, d’une part, de mettre en perspective le modèle théorique établi avec les résultats obtenus dans d’autres revues systématiques sur cette thématique (Fox et al., 2023 ; Hascher & Waber, 2021) et, d’autre part, d’envisager des démarches de formation au bien-être professionnel pour les enseignants davantage en phase avec la réalité du concept (Dreer & Gouasé, 2022 ; Rham & Heise, 2019).
