Abstract :
[fr] En Fédération Wallonie-Bruxelles (FWB), la baisse des inscriptions dans les filières d’enseignement (Guyot & Fievet, 2023) et le taux d’attrition élevé des enseignants novices (40%) (FWB, 2023) peuvent être attribués à différents éléments tels que la dépréciation du métier, les conditions de travail difficiles et les problèmes relationnels avec les apprenants (Maroy, 2008 ; Rascle et al., 2016). L’amélioration des conditions de travail et de la santé psychologique des enseignants est donc cruciale. Pour aller à la rencontre de cet enjeu, deux aspects de la profession enseignante sont investigués dans cette communication : le sentiment d’efficacité en gestion de classe, d’une part, et le bien-être subjectif, d’autre part.
La gestion de classe fait partie intégrante des compétences professionnelles requises par les enseignants (Moniteur belge, 2022). Elle s’y définit comme la création d’un cadre relationnel bienveillant et la gestion, structurante et sécurisante, du groupe-classe et elle constitue donc un pilier pour un climat scolaire positif et un apprentissage de qualité (Giraudet, 2016). Cependant, indépendamment de l’expérience, la gestion de classe demeure une difficulté majeure (Léveillé & Dufour, 1999). Le modèle développé par O’Neill et Stephenson (2011) repris dans l’Échelle du Sentiment d'Efficacité Personnelle en Gestion de Classe (ÉSEPGC) de Gaudreau et al. (2015) et qui comprend cinq domaines (gestion des ressources, établissement d'attentes claires, captation et maintien de l'attention, développement de relations sociales positives et gestion des comportements difficiles) pourrait dès lors servir de levier pour contribuer au développement du bien-être professionnel des enseignants.
Par ailleurs, le bien-être subjectif englobe des sentiments positifs durables, l'absence de sentiments négatifs et une satisfaction générale de vie (Diener, 1994). Un facteur crucial pour ce bien-être réside dans la qualité des relations et des interactions, qui s’avère essentielle tant pour les élèves que pour les enseignants (Espinosa et al., 2023). Alors que les répercussions d'un manque de bien-être dans la profession enseignante sont fréquemment soulignées (stress, burnout, etc.) (Bertieaux et al., 2022), il apparait que le bien-être subjectif de l’enseignant et celui des apprenants sont positivement liés (Rascle et al., 2016 ; Espinosa et al., 2023).
Dès lors, l’objectif de cette enquête qualitative est d’explorer les perceptions des futurs enseignants sur la gestion de classe : leurs représentations, les difficultés perçues et leur sentiment de préparation, sous l’angle double du modèle d’O’Neill et Stephenson (2011) et du concept de bien-être subjectif de Diener (1994).
Le recueil des données a été effectué via un questionnaire administré à un échantillon de convenance, composé de 189 étudiants en formation initiale à l’enseignement, de septembre à novembre 2023. L’échantillon se compose de 15,8 % en section 1 (N=30), 20,6 % (N=39) en section 2 , 24,8 % (N=47) en section 3 et 38,6 % (N=73) suivent un Master en finalité didactique. Le questionnaire était composé de questions ouvertes concernant les représentations, les difficultés et les sentiments face à la gestion de classe. D’une part, l’analyse des représentations de la gestion de classe et des difficultés perçues a été effectuée de manière déductive itérative, en utilisant les cinq domaines repris de l’ÉSEPGC, complétée par le bien-être de l’enseignant (Diener, 1984). D’autre part, les raisons liées au sentiment de préparation à gérer une classe ont été regroupées en catégories exclusives (démarche inductive) : 1) manque de ressources personnelles, 2) de compétences, 3) d’expériences, 4) de connaissances, 6) peur de l’effet de groupe et 7) absence d’outils.
Il ressort de ces analyses une représentation partielle de la gestion de classe des futurs enseignants qui se concentrent principalement sur la gestion des comportements (47.6%) et la création d'un climat de classe positif (36.5%). Concernant les difficultés, les réponses confirment une partie du modèle théorique, particulièrement la gestion des comportements difficiles (59,3 %), les relations sociales (16,4 %) et le maintien de l’attention (14,8 %). Peu évoquent l’établissement d’attentes claires (0,5 %) et aucun ne cite les ressources. D'autres indicateurs apparaissent : 21,7 % pour la gestion des conditions de travail, en ce, l’hétérogénéité des apprenants et 3,2 % pour le bien-être de l'enseignant. Concernant le sentiment de préparation, 56% des futurs enseignants ne se sentent pas encore aptes à gérer une classe par manque d’expérience pratique (37 %), de connaissances (25 %), de compétences (18,5 %) ou de ressources personnelles (17,6 %). Certains citent la peur de l’effet de groupe (12 %) et l'absence d’outils concrets (4,6 %).
Au vu des résultats, il apparait essentiel d’intégrer une conception plus large de la gestion de classe dans la formation initiale des enseignants, en adaptant les approches aux besoins spécifiques des sections, en couvrant les cinq domaines d’O’Neill et Stevenson. De plus, les sentiments vis-à-vis de la gestion de classe montrent une prédominance des émotions négatives, selon le modèle de Diener (1994). Il convient donc d’adopter des approches de ce concept qui mettent en valeur les répercussions positives de cet aspect de la pratique professionnelle.
