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Abstract :
[fr] Les compétences spatiales sont multiples et permettent de s'orienter, de se repérer, de reproduire un chemin, de comprendre
l'organisation spatiale d'un lieu, d'indiquer un itinéraire à suivre... Les exemples de ce type ne manquent pas et les situations
problématiques nées de difficultés d'orientation ou d'appréhension de l'espace sont aussi nombreuses et connues de tous (sans
GPS, nous sommes souvent perdus, voire paniqués). Darken & Petterson (2002) indiquent que les compétences spatiales sont
essentielles voire vitales pour tout être humain, tout citoyen, d'où la nécessité de les exercer et de les faire acquérir dès le plus
jeune âge. Ainsi, l'école est un des lieux où il convient de travailler ces compétences. Les programmes d'études de l'enseignement
fondamental (belge francophone) renseignent d'ailleurs des intitulés relatifs à l'appréhension de l'espace et aux déplacements
(savoir se situer, s'orienter et se déplacer dans l'espace en choisissant des repères ; savoir coder, décoder et parcourir un itinéraire ; savoir
observer et décrire un environnement).
En fonction de son âge et du contexte dans lequel il évolue, l'individu fait appel à des mécanismes différents pour percevoir son
environnement. Dans un espace complexe, chaque individu a à sa disposition des types de mémorisation et de traitements de
l'information différents. Plusieurs théories permettent de rendre compte de la manière dont chacun appréhende son espace.
Parmi celles-ci on peut citer celle de Siegel & White (1975), relative aux niveaux et à la structure des connaissances spatiales, et
celle des ilots coordonnées (Poucet, 1993). Des chercheurs en neurosciences (Bohbot et al., 2012) ont récemment découvert
que les individus qui naviguent dans un environnement régulier (de type bras radial) ont recours à deux stratégies différentes.
Ils constatent que les enfants utilisent principalement une stratégie spatiale, dans laquelle les individus se basent sur les points
de repères et dépendante de l'hippocampe. Les jeunes adultes et les adultes plus âgés utilisent, quant à eux, une stratégie de
réponse, dans laquelle les individus comptent les rues ou le nombre de pas effectué, et qui est dépendante du noyau caudal.
Dans le cadre d'une recherche fondamentale, financée par le F. R. S. - FNRS et menée en Psychologie cognitive et en Sciences
de l'Education, l'objectif est d'explorer à travers l'utilisation d'environnements virtuels la façon dont les enfants âgés de 6 à 15
ans se repèrent dans un espace non familier. Générés via City Engine auquel le moteur de jeu Unity a été intégré, deux villes
ont été simulées selon deux plans distincts. Le premier, le plus régulier, est de type « Cartesian grids ou city-block raster » à
l'image des villes américaines ; le second, plus irrégulier, est de de type radioconcentrique, plus à l'image des villes européennes.
Lors d'une expérimentation réalisée dans l'environnement régulier, nous montrons que l'utilisation de ce type d'environnement
ne nécessite pas forcément la mobilisation des stratégies spatiales (utilisation de repères présents dans l'environnement) mais
peut induire des stratégies d'organisation et de stockage de l'information spatiale (relevant ainsi des stratégies de comptage)
sous la forme de chunks (Hitch, 2006). Nous avons remarqué que si la majeure partie des enfants plus âgés (à partir de 12 ans)
développent ces stratégies de comptage, basées sur l'organisation et le stockage de l'information spatiale, il n'en est pas de
même pour les enfants plus jeunes qui recourent davantage à des stratégies de repérage. En outre, en plus des deux stratégies
mises en avant par Bohbot et al. (2012), nous postulons l'existence d'une troisième stratégie, dite « mixte ». Nous avons en effet
remarqué que les enfants âgés de 10 à 11 ans ont, contrairement aux autres tranches d'âges, tendance à recourir à une stratégie
mixte alliant le repérage au comptage. Afin de favoriser chez les élèves plus âgés une stratégie de repérage, sans recourir à une
stratégie de comptage, une seconde expérimentation a été menée dans l'environnement plus irrégulier. Les données recueillies
(enregistrement des comportements dans l'environnement virtuel et entretiens cognitifs) permettent de remarquer que le
nouvel environnement réduit le développement de stratégies de comptage ou les rend inefficaces et évalue donc davantage
les capacités d'orientation spatiale.
Les résultats de la recherche menée conduisent à s'interroger sur les processus travaillés et à travailler pour développer les
compétences spatiales au cours de l'enfance. La première interrogation porte sur la nature des processus qui sont actuellement
travaillés en classe. Les intitulés des programmes d'études -portant sur l'appréhension de l'espace- ainsi que la manière dont
ceux-ci sont mis en oeuvre dans les classes, favorisent-ils le développement de stratégies de comptage ou de repérage et
d'orientation ? Dans la perspective d'aider, via le diagnostic et/ou un entrainement spécifique, la seconde interrogation soulevée
concerne le choix de la stratégie à privilégier. Y a-t-il une stratégie plus efficace ? Est-ce variable d'un individu à l'autre ? Faudrait-il
favoriser le maintien des deux stratégies jusqu'à l'âge adulte ? ...