Abstract :
[fr] Le processus de démocratisation de l’enseignement, en cours depuis le début du siècle dernier en Belgique francophone, s’est accompagné d’une double nécessité : faire face à la pénurie de certains profils d’enseignants corollaire à l’extension de l’obligation scolaire, d’une part, et former des enseignants qualifiés disposant des compétences requises pour répondre aux besoins d’un public scolaire de plus en plus hétérogène, d’autre part (Lothaire, Demeuse & Derobertmasure 2022). Dès le début du millénaire, une nouvelle ère réformatrice est attestée par l’émergence des évaluations internationales, telles que PISA. Ces dernières pointent du doigt le caractère à la fois inefficace et inégalitaire du système éducatif belge. Pour y remédier, l’enseignant apparaît comme l’un des acteurs les plus influents (OCDE, 2021) et un intérêt croissant est accordé à l’efficacité des pratiques pédagogiques qu’il développe (Rosenshine et Stevens, 1986 ; Talbot, 2012 ; Colognesi et Hanin, 2020 ; Bocquillon, 2020). Une révision significative des formations initiales à l’enseignement est alors jugée indispensable, et un travail réflexif collectif est initié au tourant des années 2010. Plus largement, cette époque est le théâtre de la mise en œuvre d’une réforme systémique et ambitieuse accordant un poids croissant aux logiques de reddition des comptes et de l’éducation fondée sur les preuves à savoir le Pacte pour un Enseignement d’excellence.
Par l’intermédiaire du Pacte pour un Enseignement d’excellence et de la réforme de la formation initiale, la formation et le travail enseignant s’installent dans deux logiques divergentes : la logique de professionnalisation et la logique de reddition des comptes (Cattonar et Dupriez, 2019 et 2020). Des tensions peuvent émerger entre ces deux logiques divergentes. Une logique professionnalisante s’affirme avec le renforcement et la prolongation de la formation enseignante qui promeut la valorisation d’un enseignant expert, autonome et réflexif. Ceci semble en opposition à une logique qualifiée de déprofessionnalisante résultant de la limitation d’autonomie professionnelle par la promotion d’instruments de redevabilité formelle ou informelle des enseignants (Hargreaves 2000 ; Maroy et Cattonar, 2002 ; Demailly et de la Broise, 2009 ; Roquet et Wittorsky, 2013 ; Cattonar et Dupriez, 2019).